Les Evadés, un film de Frank Darabont

Les Evadés

Quand on sait de quoi il retourne, on pourrait être réticent à l’idée de regarder ce film. Forcément, de loin, ça sent le vu et revu. Au programme : on est au milieu du XXème siècle et Andy Dufresne, jeune banquier fortement talentueux et riche est accusé du meurtre de sa femme et de l’amant de celle-ci. On assiste au procès, et c’est sans larmes et sans s’énerver que le banquier affirme être innocent. Tout joue contre lui, et c’est notamment sa froideur que lui reproche le juge qui le condamne donc à une double peine à perpétuité – une pour le meurtre de chacun – et cela notamment pour n’avoir pas montré le moindre remord. Andy Dufresne ne sourcille pas, et se laisse conduire à la prison de Shawshank, sans pour autant avouer être coupable. Là-bas, il rencontre Red, avec lequel il devient ami avec le temps – parce qu’ils en ont, du temps – de même qu’avec sa bande. On a là tous les ingrédients habituels. Avec le titre, on s’attend à ce qu’ils s’évadent. Il y a Morgan Freeman, habitué à jouer toujours les mêmes rôles dans toujours les mêmes thrillers. Enfin, de temps à autres policier, de temps à autres vilain voyou. Voilà : mauvais départ, dirons-nous, pour ce film. Mais ça, ce n’est que l’apparence des Evadés.

Parce qu’au fil du film, on se laisse prendre au jeu, qui n’est pas véritablement ce à quoi on s’attendait. D’abord, il y a Tim Robbins, qu’on avait presque oublié dans notre aperçu négatif du film. Il est là, et ça fait du bien. Dans un rôle d’homme renfermé – un peu comme dans Mystic River, en moins torturé cependant –, à savoir celui d’Andy Dufresne. Excellente interprétation, d’ailleurs. La quasi totalité de l’intrigue se déroule en prison, et c’est tout un univers que l’on nous présente. En fait, c’est un peu ça, Les Evadés : une réflexion sur la prison. Certes la chose est présentée de façon sûrement bien plus positive qu’elle ne l’est dans la réalité, mais il n’en reste pas moins que ce film qui paraît banal est, d’abord, intéressant grâce à cette idée.

On voit Andy, on voit Red, on voit tous leurs amis et ennemis, le directeur de la prison et les gardiens dans leur quotidien, avec ce qui s’y passe pendant de longues années. Il y a toutes les combines pour obtenir divers objets – et ce sera avant tout un tout petit marteau pour Andy, pour qu’il puisse s’adonner à son hobbie : sculpter des pierres –, les passages à tabac par les gardiens et par d’autres détenus, et toutes ces petites choses qui leur permettent de survivre. Et notamment, à ce sujet, un très joli passage sur la puissance de la musique.

Parce que le titre du film, finalement, n’exprime pas l’action concrète de l’évasion. Certes le titre original ne traduisait pas cette idée – The Shawshank Redemption – mais c’est pourtant bien ça, le véritable sujet du film : l’évasion psychique, celle qui leur permet de tenir, de survivre pendant tant d’années, certains ayant passé plus de temps en prison qu’au dehors. On nous montre toute la communauté qui se crée là-bas. Et surtout, avec probablement un certain réalisme, l’anéantissement en face duquel se retrouvent ceux qui, ayant passé presque un demi-siècle entre les murs de Shawshank, se retrouvent confrontés au monde extérieur dont ils ne connaissent plus rien. Il y a l’exemple de Brooks, vieil homme et bibliothécaire de la prison qui perd toute son importance à sa sortie et se retrouve confronté à la peur.

Andy, lui, fait changer beaucoup de choses dans la prison au fil du temps, et finit notamment par aider le directeur à se faire une fortune. Forcément, en tant qu’ancien banquier, il connaît pas mal de choses sur les façons d’obtenir beaucoup d’argent sans trop de problème. Et cela après avoir passé un temps à remplir les déclarations d’impôts de tous les gardiens. Mais ce qu’il fait, surtout, c’est garder l’espoir, face à son ami qui semble résigné et lui répète souvent que 'tu te fais du mal avec tes rêves de merde'. Pourtant, même au fond du trou, Andy garde l’espoir.

Alors, certes, si ce film n’est pas ce qu’on aurait imaginé au départ, il n’est pas parfait. Forcément, les prisons ne doivent pas être comme ça dans la réalité, tout ne se serait certainement pas passé comme ça. Et puis les choses se déroulent quand même relativement bien, et même quand ils sont confrontés à de graves situations, on nous présente la chose de façon atténuée. Pourtant, on ferme les yeux après avoir vu Les Evadés presque avec un sourire aux lèvres. On se dit qu’il est joli, vraiment, même si quelques petits détails font tâche comme pour nous dire qu’on n’avait pas tort d’avoir des préjugés sur ce film. Non, c’est avec une bonne impression que l’on en ressort. Certes pas un chef-d’œuvre, mais une agréable surprise, une belle réflexion, une belle interprétation. En poussant un peu, on pourrait étendre ça à la vie en général et non.

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